
Data Funerals
Comment faire le deuil de nos chères données disparues ?
Si nous sommes à l’aune de devenir une civilisation (du) numérique – comme cela l’a été martelé de si nombreuses fois – et si les funérailles sont considérées par les anthropologues comme l’un des fondements d’une société, alors devrions-nous imaginer des funérailles pour nos précieuses données ? Leur accordons-nous suffisamment de valeur pour leur offrir des obsèques dignes, une fois ces traces bien aimées de nos vies disparues ?
Les données jouent un rôle crucial dans notre vie et sont devenues une extension numérique de nous-mêmes. De fait, elles sont même devenues les briques essentielles de nos sociétés dites « data-driven », mises au régime de la donnée. Cependant, elles restent des bribes fragiles, volatiles et vulnérables de notre double numérique, même à l’ère de la sauvegarde généralisée. Face aux fuites, aux piratages, aux mauvais usages et aux startups faisant banqueroute, les données sont exposées à un large éventail de risques existentiels.
Cependant, sommes-nous seulement prêts à surmonter la perte de ces « êtres chers » numériques ? Data Funerals aborde cette question de la disparition des données par le prisme de son impact émotionnel sur l’utilisateur. Ainsi, qui n’a jamais connu ce sentiment de peine et d’impuissance devant le crash inopiné d’un disque dur externe ?
Les design fictions imaginées pour cette carte blanches extrapolent des futurs souvent décalés, dans lesquels de possibles rites et services accompagnent celles et ceux endeuillés de la donnée.

↑ En désespoir de cause, face au crash de son ordinateur, un utilisateur organise une séance de « 0u1ja » comme une expérience spirituelle et introspective pour tenter de se reconnecter à ses données perdues.

↑ L’église Datavengéliste propose des pèlerinages pour se reconnecter à ses données perdues, jusqu’aux data centers où celles-ci reposent pour l’éternité.
Data Funerals se veut une démarche participative qui mêle un atelier, un kit d’outils et une série de design fictions. Chaque volet, à sa manière, explore de nouveaux rituels spéculatifs et émergents qui aident les utilisateurs à faire face à la disparition, souvent brutales, de services numériques.
Loin de relever d’extrapolations dénuées de toute perspective concrète, le fil des enseignements de Data Funerals peut permettre aux opérateurs de services en ligne de développer de nouvelles approches d’expérience-utilisateur. Intégrées à la conception empathique de services numériques, cette dimension « funéraire » pourraient alors être véritablement à même de prendre en compte la multiplicité des sentiments et des comportements, aussi irrationnels qu’intimes, survenant lors d’une perte de données personnelles.


↑ Les périphériques de stockage défaillants deviennent une « mundane relic » (relique banale), un souvenir précieux conservé dans l’espoir de récupérer, un jour, les données disparues.

↑ Tels des « pleureuses du numérique », les « digital mourners » sont des micro-travailleurs qui proposent leurs services de lamentation sur les réseaux sociaux du commanditaire pour compatir publiquement à sa perte de données.

↑ L’anti-mémorial des choses de l’Anthropocène est un monument funéraire intime pour se rappeler les bons côtés d’une perte des données, ce qu’on gagne à se passer désormais des services numériques toxiques qui faisaient autrefois partie de nos vies avant qu’on s’en débarrasse.

↑ Les membres du mouvement des « extreme backupists » explorent les modes de sauvegarde de données les plus radicaux, ici littéralement gravées dans le marbre.