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Les jeux administratifs
En 2050, les fédérations sportives s’affrontent au sein de compétitions administratives pour remporter les rares subventions encore octroyées par les collectivités territoriales.
— Contexte

Pour la Délégation du Pays de Retz, Département de Loire-Atlantique (2018)

Un des scénarios spéculatifs imaginés pour une série de sessions de débats animées à l’occasion des rencontres territoriales du sport, organisées par le Département de Loire-Atlantique en Décembre 2018. Ces temps de projection et de discussion ont croisé les réflexions et prises de position des acteurs du monde sportif, élus locaux, partenaires associatifs et habitants du Pays de Retz.

— F(r)ictions

En 2050, plus aucune collectivité locale ou acteur public territorial ne portent de politiques volontaristes pour soutenir la pratique du sport. Une situation qui s’explique par deux facteurs évoluant en parallèle :

  • L’austérité économique qui s’est poursuivie et s’est traduite par la raréfaction des subventions. La récession des moyens alloués aux services publics et la privatisation grandissante de ces derniers ont vu la réaffectation des ressources à d’autres secteurs jugés “prioritaires”.
  • La pratique sportive s’est libérée : en plus d’être individuelle, elle est désormais résolument personnelle et privilégie une pratique sans engagement, sans contrainte et propre à chacun.

Le croisement de ces deux transformations structurelles a amené de nombreuses fédérations sportives locales à disparaître, suivant une logique implacable d’offre et de demande. Pour accompagner les fédérations qui subsistent, un regroupement des pouvoirs publics locaux du Pays de Retz met en place une innovation publique étonnante : les Jeux Administratifs.

Un pot commun est créé : il comprend quelques reliquats de subventions publiques couplés à une “subvention populaire”, portée par un financement participatif citoyen. Pour emporter cette subvention mixte, plusieurs fédérations s’affrontent dans des Jeux Administratifs, une variante des Jeux Olympiques où il n’est pas question de sport, mais de montage de dossiers et de lobbying. Les fédérations devront montrer qu’elles sont capables de répondre à des communautés d’intérêts à géométrie très variable - qui se font et se défont opportunément - et de s’adapter dans une logique exacerbée selon laquelle le “client est R.O.I”. Seule la plus méritante et performante décrochera le prix.

Les Jeux Administratifs se déroulent sur plusieurs mois, lors desquels chaque fédération doit cumuler un maximum de points dans différents critères pour justifier de l’obtention de sa subvention pour les quatre années à venir. Différentes épreuves sont au programme :

  • Le sprint d’attractivité, où sur un temps réduit, la fédération doit obtenir le plus haut nombre de promesses d’adhésion, de “fans/followers” et maximiser son indice de réputation en ligne.
  • La gestion acrobatique, où elle doit concilier les contorsions d’un budget maîtrisé, démontrer une harmonie “objectifs/décisions” (avec un bonus à l’anti-rétropédalage) et réaliser des figures imposées d’hyper-frugalité.
  • Le pitch d’impact, où son représentant affronte d’autres pairs dans un concours d’éloquence qui portent autour des bénéfices, par rebond, de l’activité de cette fédération sur le reste du territoire (économie, inclusion, tourisme).
  • L’inclusion des non-humains, avec la valorisation des démarches d’intégration et prise en compte des conséquences de la pratique sportive proposées sur les autres acteurs de l’écosystème : animaux, végétaux, robots ou encore intelligences artificielles. La promotion des pratiques mixtes inter-espèces est très appréciée par le jury.
Finalement, cette innovation tient à la fois de la mise en concurrence des fédérations - dans une sorte de darwinisme social - et de la mise en abyme de leur vocation compétitive.